Un climat « fin de siècle » - PAGE 2/2

, par Gérard DELFAU

Texte complémentaire du chapitre 4 de l’ouvrage. L’Harmattan, 2015, P 60 :
La République vacille, puis se reprend. (1886-1902)

Enfin, vient la bifurcation. Il a fait un séjour à La Trappe ; il a connu le monastère de Ligugé ; et il engage son nouveau personnage, Durtal, dans une quête qui le conduit à l’effusion mystique, dans la pénombre de l’église abbatiale : « Oh ! Prier, prier comme les moines ! », s’écrie Durtal. Plusieurs œuvres jalonnent ce parcours du romancier : En route (1895), La Cathédrale (1898), L’Oblat (1907). Certes, cet itinéraire est singulier. Comme toute aventure spirituelle et toute création artistique, l’œuvre de Huysmans est irréductible à l’air du temps. Elle garde sa part de mystère. Mais il n’en demeure pas moins qu’à sa façon elle témoigne de la crise morale que traverse la société. Au plan littéraire, le romancier prononce la liquidation du naturalisme, ce courant tout entier centré sur la description sans concession de la misère des classes populaires. Il prend congé du vécu qui, c’est sûr, se vengera. Je pense aux attentats anarchistes… Au niveau idéologique, il manifeste le recul du rationalisme et de toutes les formes de libre pensée. A le lire, l’idée laïque est en échec, même si elle continue à vivre à la base, au sein de l’école publique et dans les municipalités ou, plus discrètement, grâce à la ferveur du Grand Orient, qui s’est définitivement affranchi, en 1877, de toute référence religieuse. Le mouvement de fond, profondément optimiste, né au lendemain de l’Ordre moral, semble s’être inversé. Il resurgira, au lendemain de l’affaire Dreyfus, durant la décade 1896-1906, qui reprend la marche en avant de la période Jules Ferry, et qui culmine avec la loi de séparation des Églises et de l’État.

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