Le texte prévoit aussi l’obligation pour les usagers des services publics de se présenter visage découvert. Cette disposition se rapproche de la loi française de 2010 - qui faut-il le rappeler, est une loi de sécurité publique et non laïque -, mais elle limite la contrainte aux seuls services publics.
La Loi 21 met-elle fin, au Québec, aux « accommodements raisonnables » ? Pas sûr. En effet, l’interdiction des signes ostentatoires ne concerne pas tous les employés de l’Etat, mais seulement les personnels d’autorité. Par exemple, les employées des crèches publiques ne seraient pas concernées. Un autre compromis est le respect de la « clause grand-père » qui prévoit de conserver les droits acquis, ce qui signifie, par exemple, qu’une enseignante qui portait le voile avant la loi pourrait continuer à le porter, paradoxe dont on imagine la difficile gestion.
Adoptée en juin 2021, la loi avait été contestée par le Conseil national des musulmans canadiens et l’Association canadienne des libertés civiles devant la plus haute juridiction du Québec qui a rendu ses conclusions le 28 février 2024 : « [la loi] reflète pour l’essentiel l’état actuel du droit qui, au Québec comme ailleurs dans le reste du pays, se fonde sur une séparation de l’État et des religions : car de fait, les éléments constitutifs de l’Etat canadien sont laïques. »
Pour les juges de la plus haute juridiction du Québec, cette loi est conforme à la constitution, mais elle fait bondir les autres provinces [1] qui préfèrent le secularism anglo-saxon. Les opposants veulent porter la cause devant la Cour suprême avec l’appui de Justin Trudeau, Premier ministre du gouvernement fédéral. Un combat emblématique à l’échelle de l’Amérique, et qui pourrait avoir une influence sur le devenir de la laïcité en Europe.
Georges Bringuier
Mai 2024