L’urgence n’est pas dans la recherche des coupables, mais bien dans la refondation d’une école dont nous avons besoin maintenant, celle qui doit participer à la transition écologique en veillant rigoureusement sur nos libertés.
Parce que l’utopie appartient à l’avenir, ce plan doit servir de base, maintenant dans ce XXIème siècle pour une participation à la neutralisation de la finitude du monde. En ce rêve réconfortant, réside surtout la divine saveur de ne plus être ce que le techno-capitalisme veut faire de nous : des « automates » prévisibles, privés de spontanéité, comme le dit Jacques Luzi.1
Les actions contre l’accélération du réchauffement climatique nécessaires et urgentes, celles des « colibris » et autres ; celles des prévisions des COP qui se suivent mais se hâtent avec lenteur sont nettement insuffisantes. L’Ecole se doit de former des citoyens respectueux du vivant, aptes à la sobriété consentie.
La conduite des peuples dont le nôtre, nécessite un savoir, une pédagogie adaptée, dans laquelle l’école joue son rôle par l’éducation à la citoyenneté.
Le chapitre VI du plan LANGEVIN-WALLON, entre autre, doit servir de base pour que la transition écologique devienne une réalité pour le bien commun et non limitée uniquement à des taxes.
Ce plan a une histoire.
C’est une réforme complète de l’enseignement, depuis l’école primaire, jusqu’à l’enseignement supérieur et la Recherche.
Élaboré dès 1945 à la demande du général de Gaulle, lors de la constitution de son gouvernement provisoire à Alger, il confie ce travail à une commission présidée par Paul Langevin, professeur au Collège de France et membre du Parti communiste. Il est cependant reconnu aujourd’hui, qu’il est plus inspiré par le modèle anglo-saxon que par celui des pays de l’Est. Ils seront 7 sur les 27 membres de la commission à être liés à ce parti politique.
Divisé en huit chapitres il est empreint d’un « humanisme de gauche » dominant à la Libération.
Dans le contexte historique de l’après guerre, ce plan affirme avoir pour dessein l’égalité des chances des individus devant l’accès à l’école à laquelle ses aptitudes le prédisposent. Il entend réformer les méthodes de la pédagogie, avec pour ambition d’élever le niveau culturel de chacun.
Un premier degré est conçu comme obligatoire de 6 à 18 ans, divisé en 3 cycles :
1. Le premier cycle de base (primaire)
2. Le second cycle d’orientation (collège)
3. Le troisième, de détermination (Lycée), dès 15 ans qui répartit les adolescents selon 3 voies :
• La section pratique préparant immédiatement à un métier, l’apprentissage (de type CAP) ;
• La section professionnelle, destinée à former les cadres moyens (de type BEP) ;
• La section théorique, la seule permettant l’accès à l’enseignement supérieur du second degré.
Un second degré, est divisé en deux parties :
• La première, nommée propédeutique, vise à l’orientation des étudiants vers 3 branches : l’objectif professionnel, la recherche, le haut niveau culturel.
• La seconde est, à proprement parler, l’enseignement supérieur. Il comporte une refonte des universités, qui doivent concurremment assurer un enseignement professionnel supérieur, un enseignement culturel « pur » de haut niveau, mais aussi se livrer à la Recherche.
Jugé très novateur quand il fût publié en 1947, il n’a jamais été appliqué, surtout parce qu’il nécessitait des moyens financiers énormes que la France en reconstruction n’était pas en capacité d’assumer. Jean Monet en 1946 a donné financièrement la priorité à l’économie.
Cependant, ce plan n’a pas été totalement oublié puisque des pans du projet, plus ou moins modifiés, ont été mis au jour. Ses auteurs auraient néanmoins quelque peine à reconnaître leur œuvre dans la réalité actuelle.
Il est intéressant aussi parce qu’il englobe dans sa réforme, la totalité de la structure de l’Éducation Nationale. C’est un ensemble qui donne la cohérence nécessaire pour une Nation à reconstruire.
Il a surtout la volonté d’être égalitaire et parce qu’il institut la gratuité, il est humaniste.
Il place chaque enfant, sans distinction d’origine sociale, en capacité d’évoluer et de se structurer selon ses moyens. Il est également audacieux car il rend l’école obligatoire de 6 à 18ans partout sur le territoire, impose un effectif limité à 25 élèves par classes, octroie des bourses d’études adaptées aux vrais besoins de l’élève ou de l’étudiant, avec des subventions spécifiques dans certains cas. Il intègre l’enseignement de l’Histoire dans les matières fondamentales. C’était novateur pour l’époque, utile à n’en pas douter, comme le serait un tel programme aujourd’hui.
L’un des points forts de ce plan réside dans l’enseignement de l’Éducation morale et civique, puis l’éducation populaire au delà de 18ans. La première est destinée au milieu scolaire dans la période obligatoire avec pour particularité de distinguer l’enseignement de la « morale » de celui d’un apprentissage civique.
Le plan dit bien que La laïcité de l’école n’implique pas qu’elle n’exerce aucune action éducative, le fait religieux à donc sa place dans toutes les matières enseignées. La Nation se doit de préparer l’enfant à prendre conscience du rôle qui sera le sien dans la vie sociale mais aussi dans sa responsabilité de citoyen.
L’éducation populaire n’est pas seulement l’éducation pour tous, c’est la possibilité pour tous de poursuivre au-delà de l’école et durant toute leur existence, le développement de leur culture intellectuelle, esthétique, professionnelle, civique et morale. Cet extrait appelle un commentaire supplément actualisé : sans publicité s’il vous plaît !
Une des singularités de ce plan réside dans le contenu des séries professionnelles qui incluent toutes les administrations, les caisses d’assurance, le cadastre, et tous les secteurs d’activités commerciales et industrielles.
La considération de la fonction d’enseignant, est un des points fort de ce plan. Il n’hésite pas à dire que le salaire doit être conséquent par rapport aux services rendus à la Nation, sachant que les maîtres et maîtresses formés pour cette mission ont fait ce choix par vocation.
Il ignore surtout la notion de rentabilité, de carrière, tout ce qui fait la différence entre un Service public et un Service d’Intérêt Économique Général acté dans le traité européen de Lisbonne.
Mais ce plan a aussi un défaut. Il ignore toute l’activité administrative et matérielle qui doit être en cohérence avec l’ensemble de l’éducation. La notion d’équipe éducative est fondamentale dans un service public d’éducation parce qu’elle fait partie de sa mission. A tous les niveaux de la hiérarchie, chaque membre appartient à cette équipe et doit en assumer en toute liberté la cohérence par l’exemplarité qu’elle doit à sa mission, dans l’intérêt de la jeunesse.
Sortir ce plan de l’oubli, c’est répondre à une préoccupation majeure du moment :l’avenir de la jeunesse.
Les informations et documentaires de l’actualité, font état d’un nombre non négligeable de jeunes sortant du système scolaire sans qualification, sans formation ni diplôme, dans l’obligation d’emprunter pour payer des études, de travailler, quand ce n’est pas le recours parfois hélas à la prostitution.
Sortir ce plan de l’oubli, c’est donner un accompagnement nécessaire à la transition écologique parce qu’elle est abordée économiquement par des taxes qui culpabilisent. Le temps n’est pas à la recherche des coupables mais bel et bien au renversement de cette situation. Le consommateur quel qu’il soit dans la hiérarchie sociale, doit devenir un citoyen émancipé conscient de l’intérêt général parce que l’utopie peut devenir une réalité. Dans l’histoire de la révolution française, Jules Michelet reprend ce mot du Moyen Age : « Le cœur de l’homme est une meule qui tourne toujours, si vous n’y mettez rien à moudre, il risque de se moudre lui-même.
Le contexte d’octobre 1792 qui anticipe la terreur naissante est très actuel : la finitude enclenchée de la planète terre nécessite d’urgence de quoi moudre….
C’est l’éducation morale, civique et populaire abordée dans ce plan qui nous fait tant défaut aujourd’hui. En effet, pour amorcer la transition écologique, de l’individu ou du collectif, en passant par les structures étatiques, chacun à sa part de responsabilité à assumer. En prendre conscience est bien insuffisant, la planète attend maintenant des actes. La majeure partie de la classe politique à la manœuvre donne l’exemple de ce qui n’aboutit pas : des lois suivies d’une trop longue attente.
L’urgence nous impose d’activer tout ce qui est bon à entreprendre pour réduire l’impact humain sur le vivant, puisque les effets prendront du temps pour être visibles. L’éducation par l’école mais pas seulement, tient un grand rôle. Elle assure la pérennité de tout ce qui va être fait pour ne pas revenir en arrière. Le travail sur la réduction des déchets à la source, le tri sélectif et le suivi de tout ce qui concerne le recyclage, les économies des matières premières, de l’eau et de l’énergie, est fondamental. Pas de transition possible sans cette éducation morale, civique et populaire.
L’État, ses institutions, les collectivités locales, doivent également assumer les besoins, les relais, les contrôles auprès de toutes les structures publiques et privées.
C’est ensemble que nous devons assumer la transition consentie par le consommateur vers le citoyen et la citoyenne. L’aspect moral et civique indispensable pour y parvenir, fait appel à l’intelligence, sans violence mais sans lâcheté non plus. La mise en place des taxes est suffisamment pénible.
A propos de la taxe dite « incitative » parce qu’elle est spécifique, elle doit servir aux investissements humains et matériels nécessaires à la transition écologique, dans une totale transparence.
Et puisque la technologie permet aujourd’hui à l’Etat, l’accès direct aux revenus grâce à la dématérialisation, nous pouvons espérer en retour la réciprocité pour l’accès et le contrôle des comptes de l’utilisation des ressources de son budget.
La bonne pratique et l’usage des réseaux sociaux et autres outils d’information, particulièrement énergivores, mérite un traitement pédagogique spécifique, abordé là aussi par l’éducation morale et civique.
La société industrielle de masse favorise et exploite l’isolement des individus, ce qui rend concevable la mise en place de tout régime dirigiste. Toutes les techno -sciences ont un caractère attractif, abondant dans le monde des médias, laissant ainsi si peu de place à la réflexion humaniste comme au silence.
Que dire du contexte social actuel ? Par l’orientation économique et financière du monde libéral, un immense besoin est né, celui de protéger et aider les enfants, accompagnés de pédagogues et personnels formés et rémunérés pour éduquer et non pour sévir. Aussi, comme en 1947, l’État se doit donc de rechercher l’appui d’une population soucieuse de l’intérêt général, à tous les niveaux de la vie sociale et politique, et ce besoin passe par l’école pour tous, refondée sur la vie. L’effort financier qui a été fait en 1946 pour l’économie française doit être fait maintenant pour son école, ses universités et la recherche.
En conclusion, rappelons que ce plan élaboré dans un contexte historique bien particulier et difficile, ignorait les besoins futurs liés à l’évolution sociologique et géopolitique de notre société libérale économico-financière. La fin de la colonisation et l’arrivée de populations venant d’ailleurs a produit des clivages que l’école de la République et la loi de 1905 ne peuvent seules contenir.
Cependant, la loi de séparation est toujours adaptée à la situation actuelle. Une éducation est nécessaire pour l’expliquer et la faire admettre à tout le monde, puisqu’elle protège l’intime conviction de chacun. Elle permet de faire la distinction entre croire et savoir comme elle séparation le pouvoir religieux du temporel. C’est pour cette raison que de nombreux habitants du monde nous l’envie.
Parce que nous vivons dans un Univers où toutes les grandes altérités mènent aux diverses dérives humaines, l’école doit plus que jamais bien préparer la jeunesse. Elle est là depuis le début pour nous permettre de défendre le bien
commun que sont la nature et nos libertés. J’illustre l’espoir utopique de voir acté un nouveau plan pour l’école de la République, par cette réflexion d’Hannah Arendt, sachant que les leçons de l’Histoire ne sont toujours pas totalement digérées : les armes continuent de parler.
« Le pire mal n’est pas radical, il n’a pas de racines, et parce qu’il n’a pas de racines, il n’a pas de limites ; il peut atteindre des extrêmes impensables et se répandre dans le monde tout entier ».
Mireille BOULARD (juillet 2019)