Décryptage / Presse médias

Islam : à propos du rapport de l’institut Montaigne

, par Gérard DELFAU

« La presse nationale continue à charrier le meilleur et le pire concernant les religions et la place de la laïcité dans notre société. »

La presse nationale continue à charrier le meilleur et le pire concernant les religions et la place de la laïcité dans notre société.

Un bon exemple en est donné par les articles concernant le rapport de l’Institut patronal Montaigne ( Cliquez ) sur les Français de confession ou de culture musulmane.

Dans une tribune du Monde
(28 septembre), ( Cliquez )
Patrick Simon, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED),
conteste formellement les bases chiffrées de l’enquête et estime que le Rapport « propose une vision biaisée des Français de culture musulmane ». Il ajoute : « une démarche peu responsable dans une situation politique particulièrement tendue ». Il met en cause le chiffre de 28 % de citoyens musulmans, qui seraient « radicalisés ».
Un chiffre erroné, dit-il, une interprétation mensongère, qui de reprises en reprises, dans les médias, devient cette formule politiquement condamnable : il y aurait « près d’un tiers » de citoyens de confession musulmane qui refuseraient les lois de la République, et donc seraient des terroristes potentiels. Une mauvaise action ! À cette démonstration imparable, Antoine Jardin, conseiller de l’Institut Montaigne, et garant « scientifique » du Rapport, répond sans convaincre, dans le numéro du 30 septembre du même journal. Et il a cette phrase qui ferait sourire, si l’enjeu n’était pas aussi vital pour la paix civile : « Ce chiffre de 28 %, comme toutes données issues d’enquêtes par sondage, est porteur d’une incertitude définie ». Délicieux ! Sauf pour les victimes…


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C’est le même journal, Le Monde, qui publiait, il y a quelques jours, une dizaine de pages à la gloire de Philippe Portier, universitaire spécialiste des religions, promoteur avec Jean Baubérot, d’une « Laïcité de reconnaissance », c’est-à-dire prenant le contre-pied de l’Article deux de la loi de Séparation des Églises et de l’État. Il n’était pas spécifié, évidemment, que le même Philippe Portier est l’auteur d’une biographie consacrée à Jean-Paul II, le pape qui a tourné la page de Vatican II et n’a cessé de mener croisade contre « la laïcité, exception française », (cf. mon livre, La Laïcité, défi du XXIe siècle, p.197) . Ainsi va le débat dans les grands instituts, financés par l’argent public, et la grande presse, qui n’a toujours pas trouvé le temps de consacrer une ligne à la collection Débats laïques, et a fortiori à mon troisième livre sur la laïcité, en une dizaine d’années.
Sans doute, ne suis-je pas du bon côté : ni atteint du syndrome « ces pauvres musulmanes », ni xénophobe et raciste, ni concordataire et partisan du retour de l’Église catholique au sein de la Puissance publique. C’est vrai, je le confesse, si je puis utiliser ce terme, je demeure l’héritier fidèle de la loi de 1905 et des lois Ferry-Goblet, qui ont créé l’école publique et assuré aux enfants cette neutralité de l’enseignement dont ils ont besoin pour construire leur personnalité. Et je m’honore d’être membre d’une association qui s’intitule : « Chrétiens pour une Église Dégagée de l’École confessionnelle » (CEDEC), et dont le dernier colloque a fourni la matière de l’ouvrage : Citoyens d’abord, croyants peut-être, laïques toujours, que je viens de publier. Chacun choisit son camp.

Gérard DELFAU, le 1er octobre 2016