Principe fondateur de la République, la laïcité n’est pas un vain mot pour les deux cents membres du Creal 76 (Comité de réflexion et d’action laïque). Cette même laïcité portée dans tous les débats surtout en pleine présidentielle, aux définitions variantes selon le locuteur.
« Pour nous, la laïcité c’est avant tout le rejet de toute forme de domination. C’est pour cela que le Creal est féministe, antiraciste, contre la toute-puissance de l’argent. On lie le combat laïc au combat social. Quand il y a des reculs sociaux, il y a aussi des reculs laïcs », estiment Francis Vanhee, Pascal Langois et Ani Cornélis. « Le combat pour la laïcité est d’autant plus d’actualité que les discours des droites extrêmes dénaturent la notion même de laïcité, qui en fait un chiffon rouge identitaire, qui essaie de stigmatiser les personnes de confession musulmane. Or la laïcité, en affirmant la liberté de conscience et le libre exercice des cultes sans reconnaissance officielle de la religion est un principe d’unité qui permet le vivre ensemble de tous, de tous les particularismes religieux mais aussi d’autres formes de spiritualité. C’est un principe d’unité et de concorde. »
Observatoire de la laïcité scolaire
C’est dans cet esprit que le Creal 76 observe et dénonce les atteintes à la laïcité dans les services publics, les hôpitaux, mais et surtout les établissements d’enseignement du premier et second degré. « Il n’est pas neutre que la Région, dirigée depuis peu par Hervé Morin, ait augmenté de 75 % l’enveloppe dédiée à l’enseignement privé qui est à 98 % un enseignement catholique. Depuis 2013, on assiste à une reprise en main de l’enseignement privé par les évêques, parce que c’est le seul point de contact entre l’Église et une grande partie de la population (14 % des élèves du 1er degré en France, 21 % du second degré). » Le Creal 76 a créé l’Observatoire de la laïcité scolaire qui réunit syndicats, parents d’élèves, délégation départementale de l’Éducation nationale. Son but : vérifier commune par commune que les crédits alloués à l’enseignement privé - « qui est un choix, demande-t-on à la puissance publique de nous rembourser nos frais de transport par exemple ? » - soient les plus bas possibles.
« La pression communautaire existe »
« La loi prévoit que chaque commune doit donner à l’enseignement privé un forfait communal. Il doit être, par élève, au moins égal à ce que la commune alloue par élève du public. Mais il faut veiller à ce que ce forfait communal ne porte que sur les enseignements obligatoires, que cela ne déborde pas sur les frais de cantine, de chauffage. » Cette action de lobbying n’a pas porté ses fruits à Rouen. « On a l’impression qu’une fois la subvention acquise, clientélisme oblige, les élus rechignent à revenir dessus », constate le Creal 76. Le comité se préoccupe aussi de l’entrisme de plus en plus patent de fédérations patronales dans l’enseignement public.
Mais l’enseignement privé est-il la seule menace sur la laïcité ? « Nous ne sommes pas dans le déni. Les emprises de l’Islam politique existent. La pression communautaire existe ». Le 15 février prochain (sur inscription obligatoire), le Creal 76 reçoit à la halle aux Toiles Djemila Benhabib, une auteure d’origine algérienne, qui a fui l’Algérie en 1994 (au moment du Front islamique du salut) pour le Québec, sur le thème : « Féminisme et laïcité à l’épreuve de l’islam politique ». Vaste programme.
Benoît MARIN-CURTOUD