Monsieur,
Votre affectation précédente d’évêque aux armées vous a peut-être formé au combat.
Je me permets de vous rappeler que dans votre nouvelle fonction d’archevêque concordataire de Strasbourg, ce combat idéologique que vous paraissez vouloir mener, si j’en crois vos premières déclarations, ce combat ne peut pas faire abstractions des règles de droit.
Je ne reviens que pour mémoire sur vos propos de janvier 2015, après l’attentat contre notamment Charlie Hebdo. Vous y fustigiez, je cite « les terroristes de la pensée, prescripteurs de la laïcité, adorateurs de la République ». Faut-il rappeler que l’article 8 du Concordat que vous défendez vigoureusement prévoyait que « la formule de prière suivante sera récitée à la fin de l’office divin, dans toutes les églises catholiques de France : “Domine, salvam fac Rempublicam”… ».
Dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, à l’annonce de votre nomination, vous avez notamment déclaré : « Que l’on ne compte pas sur moi pour abroger le Concordat, le modifier ou le diminuer ! Il me paraît une réalisation tout à fait excellente. C’est annoncé d’emblée, et tant pis pour ceux qui espéraient autre chose… ».
Rappelons ici que le Concordat de 1801 est un traité entre la République et la Papauté. Il a été abrogé avec la loi de Séparation de 1905. La République a accepté d’en maintenir certains effets en 1918, avec d’autres dispositions alors en vigueur dans les trois départements recouvrés.
Le Conseil constitutionnel dans une décision fondamentale de 2011 (affaire SOMODIA) a précisé que les dispositions du droit local (dans tous les domaines) restaient provisoires, ne pouvaient pas être étendues à d’autres bénéficiaires, ne pouvaient pas faire l’objet de modifications autres que le rapprochement avec le droit national et, surtout, que les pouvoirs règlementaire ou législatif, selon le cas, pouvaient les supprimer.
Sans vouloir attenter à la dignité de votre fonction, je me dois de vous dire qu’il n’appartient de toute façon pas à l’archevêque de Strasbourg de modifier des dispositions juridiques, même du régime local.
Le 24 février dernier, toujours dans les DNA, vous affirmez que le Concordat est un « système dans lequel l’autorité politique doit respecter l’autorité prophétique de l’Église et l’autorité prophétique de l’Église doit elle aussi respecter l’autorité politique ».
Votre propos fait référence, de manière allusive, aux prophètes de l’Ancien Testament, souvent en conflit ouvert avec les souverains, accusés de ne pas respecter la loi divine…
Pour rester dans le domaine du droit, il convient de revenir aux textes. Je ne vous ferai pas l’injure de penser que vous ne connaissez pas celui du Concordat. Pour les autres lecteurs de cette lettre je joins cependant le texte intégral des 17 articles du traité : ils pourront constater que le Concordat n’aborde en aucune manière ce que vous affirmez dans les propos cités ci-dessus.
Par ailleurs, si le Concordat et ses dispositions annexes devaient, à Dieu ne plaise, être perpétués, je souhaite pour ma part que l’on ne conserve pas uniquement les aspects favorables à l’Église (et aux autres cultes dits reconnus).
Il est utile par exemple de rappeler un texte de l’époque de l’annexion allemande que la République considère semble-t-il toujours en vigueur, puisqu’il a été officiellement traduit et publié dans les Recueils des Actes administratifs des préfectures des trois départements (pour la Moselle, recueil n° 113 du 29 août 2013).
Voici cet article 130A du Code pénal local du 15 mai 1871 :
« Tout ecclésiastique ou autre ministre du culte qui, soit dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, publiquement devant une foule, soit dans une église ou tout autre lieu affecté à des assemblées religieuses, devant plusieurs personnes, se livre, au sujet des affaires de l’État, à des déclarations ou discussions de nature à porter atteinte à la paix publique est passible de l’emprisonnement ou de la détention dans une forteresse pendant deux ans au plus. Sera puni de la même peine tout ecclésiastique ou autre ministre du culte qui, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, aura émis ou répandu un écrit contenant, au sujet des affaires de l’État, des déclarations ou discussions de nature à porter atteinte à la paix publique ».
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations les plus distinguées.
Michel SEELIG
Président du Cercle Jean Macé de Metz
Président du Conseil de l’IUT de Metz
Michel.seelig chez wanadoo.fr