Trois aspects concrets disent ma conviction.
1°) La laïcité est définie de façons variées : comme séparation de l’Eglise et de l’Etat, remise en cause du cléricalisme, refus du pouvoir du plus fort dans les domaines culturels, spirituels, cultuels, psychiques, par l’exclusion de l’autre, le chantage, la contrainte idéologique et religieuse, etc. Chrétiens, réagissons-nous de façon intolérante quand il s’agit d’imposer à tous les êtres humains notre façon de vivre, de nous nourrir, de considérer le couple seulement comme une famille traditionnelle au nom de nos habitudes, nos préjugés et nos ignorances ? Ne sommes-nous pas bien sûrs de nous ?
Mais jusqu’où nous peut mener la tolérance ? Peut-on affirmer que tout est acceptable ? Je pense, par exemple, à ceux qui veulent que l’Etat interdise l’avortement, tant aux soignants qu’à tous les couples. Quel que soit notre avis sur l’acte d’avorter (personnellement je le pense possible), je propose ce qui peut être pour chacun une conduite humaine. Le respect de la vie se comprend dans la réalité du vécu, comme le respect des personnes, hommes et femmes, qui tentent de décider pour le mieux, dans leur souffrance, de l’interruption d’une grossesse non- désirée. Je respecte leurs incertitudes, leurs recherches du mieux, leurs erreurs, leur espoir et leur désespoir.
2°) L’histoire de la laïcité en France nous permet de constater que la loi de 1905 n’utilise pas expressément ce mot. Ceci pour tenter de rassembler le plus possible de citoyens à cette loi. Mais le pape Pie X a été insensible à des articles de la Loi qui lui tendaient la perche et dans l’encyclique « Vehementer Nos », il a refusé la démocratie et il traite les laïques, au sens ecclésial, de troupeau qui doit être à la fois docile et ignare. Seule la hiérarchie commande, car seule elle connaît toute vérité. Cette doctrine, avec des termes plus nuancés dans la forme et certaines dispositions, reste semblable sur le fond doctrinal jusqu’à Benoit XVI inclus...
3°) Instance privée / Instance publique
Entre l’instance privée considérée comme celle de la liberté personnelle de conscience et donc de croyance, et l’instance publique, considérée comme celle de l’Etat et la Loi, apparaît dans l’histoire de la laïcité une troisième instance : celle de l’Espace Public. L’Espace Public concerne la liberté d’expression individuelle et collective dans les médias, la presse, internet, la rue, le métro, toutes les formes d’expression publique.
Dans les entreprises privées, il convient de veiller à ne pas s’étriper au nom d’une religion entre travailleurs croyants ou non, la laïcité est une solution pratique du « travailler ensemble » Aucune religion ne doit s’imposer pour imposer des conditions de travail ou des pratiques religieuses au travail. Y compris dans l’école confessionnelle qui, selon la Loi, doit recevoir tous les enfants sans distinctions, et donc doit respecter un règlement intérieur laïque.
Jean Riedinger
Secrétaire de l’Observatoire Chrétien de la Laïcité