Il y a eu d’abord le vote favorable du Sénat en faveur de l’extension du délit d’entrave à l’IVG. Depuis 1993, la loi Neiertz frappait d’une peine de prison (jusqu’à 2 ans) et d’une amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une interruption volontaire de grossesse "soit en perturbant l’accès aux établissements", "soit en exerçant des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements ou des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse".
Ces mesures ont été longtemps dissuasives. Mais depuis quelques années une autre menace est apparue avec le développement de sites Internet, en apparence neutres, mais qui diffusent une fausse information sur l’avortement et qui spéculent sur la détresse des femmes. L’objectif des associations féministes était d’étendre le délit d’entrave à ce type de pratiques. C’est désormais chose faite.
En effet, en plein accord avec le gouvernement, et à l’initiative de la gauche, un texte a été voté à l’Assemblée nationale, en octobre, malgré l’hostilité d’une partie de la droite, et en l’absence remarquée du député Fillon. Présenté au Sénat, la semaine dernière, et admirablement défendu par la ministre, Laurence Rossignol, l’Article de loi a obtenu une majorité grâce à la conjonction des parlementaires de gauche et d’une partie de la droite républicaine. Un résultat que je ne me serais pas risqué à pronostiquer. C’est en tout cas un signal pour tous ceux qui rêvent de revenir sur le droit à l’avortement, et qui n’auraient pas médité sur l’exemple espagnol.
Au même moment, la Cour de Cassation vient de rejeter définitivement la requête des parents de Vincent Lambert. Celui-ci, à suite d’un accident de la route, est plongé, depuis 2008, dans un état végétatif et dans la plus totale inconscience. Son épouse n’a cessé de demander que, par humanité, on mette un terme à ce simulacre d’existence. Un protocole médical de fin de vie avait été mis en place au sein de l’hôpital public où gît le patient. Mais le père et la mère de Vincent, affichant leur proximité avec les intégristes de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, ont multiplié les pressions sur le corps médical. Non sans résultats d’ailleurs. En outre, ils ont intenté des procédures judiciaires pour que l’épouse soit dessaisie de la tutelle du malade et que celle-ci leur soit confiée. On imagine sans peine qu’elle était leur argumentation à l’encontre de cette femme admirable… Ils ont été déboutés en première instance, puis en appel. Et la Cour de Cassation vient de confirmer le rejet de leur demande.
A nouveau, c’est une (petite) victoire, sur le long chemin qui devrait nous conduire au droit à l’euthanasie, c’est à-dire à une aide à mourir, assumée par un collège médical, quand l’issue est inéluctable et que la personne concernée ou les proches le réclament. Pourquoi refuser à nos concitoyens ce que la Suisse, les Pays-Bas et la Belgique ont inscrit dans la loi ? [1]
Enfin, le 9 décembre, Journée nationale de la Laïcité, Émile Zuccarelli, député PRG et ancien ministre, a remis à Annick Girardin, ministre de la Fonction publique, le Rapport intitulé : « Laïcité et Fonction publique », sur lequel travaillait une commission depuis juin dernier.
L’idée de base, c’est de « donner des outils » pour aider les membres des trois Fonctions publiques à respecter le principe de laïcité, c’est-à-dire la neutralité de l’État, dans leur pratique quotidienne. Jusqu’ici il s’était agi de Chartes de la Laïcité. Un pas de plus est franchi, car le texte passe des idées générales à des recommandations concrètes, que la ministre s’est engagée à mettre en œuvre sans tarder.
Ainsi, peu à peu, notre pays se dote des instruments nécessaires à l’application des grandes lois, qui constituent le socle juridique de la laïcité. Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire : comment expliquer, par exemple, que la gauche n’ait pas touché au régime dérogatoire des cultes, appelé Concordat, malgré la mobilisation des militants d’Alsace et de Moselle ? Comment ne pas regretter que le financement massif de l’école privée confessionnelle n’ait pas subi des restrictions de crédits, qui auraient été justifiées par les largesses de la droite, mais aussi par l’insuffisante dotation de l’école publique ? Pourtant, quand les historiens se pencheront sur cette période, ils montreront à coup sûr qu’en matière de laïcité l’entreprise de démolition menée par Sarkozy a été stoppée et qu’un certain nombre d’avancées significatives sont à inscrire au bilan du quinquennat Hollande. Une raison, parmi d’autres, pour que la gauche se ressaisisse et qu’elle évite à la France la régression sociale et cléricale, qui la guette.
Gérard DELFAU
12-12-2106