Bernard Ferrand - Laïcité et Service National Universel (SNU) via la lorgnette du Monde !

, par Bernard FERRAND

"A croire que l’Observatoire de la laïcité recommande une démarche communautariste provisoire, à l’anglo-saxonne, qui jusqu’ici n’a jamais inspiré la lettre ou l’esprit de notre Constitution…" […]
"L’observatoire de la laïcité avance à grands pas vers l’abandon du principe de laïcité…"

Le journal Le Monde sous l’élégante apparence de la neutralité du commentaire sait instiller la petite musique de ceux qui ébranlent homéopathiquement le principe de laïcité. Le sujet proposé, ce 11 janvier, par Cécile Chambraud était : « Le service national universel (SNU) à l’épreuve de la loi sur le port des signes religieux ».

L’article
Il est scindé en deux parties :

  • La première vise à faire un commentaire sur le positionnement de l’Observatoire de la laïcité préconisant la non-application de loi de 2004 aux jeunes " appelés " du SNU.
  • La deuxième partie, doctement, porte sur une analyse juridique de ladite proposition.

L’étude de l’Observatoire[…] l’analyse juridique cautionnée par Le Monde.
En effet le 2 janvier, l’Observatoire de la laïcité a publié une étude sur l’application du principe de laïcité dans le cadre de cette réforme préparée par le Gouvernement.
Dans cet avis il est précisé que la loi du 15 mars 2004 ne pourra pas s’appliquer à la première phase du SNU, où les jeunes des classes de seconde seront astreints, pour une quinzaine de jours avec au moins un week-end, à une période d’hébergement collectif.
Le 8 janvier, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré à ce sujet :
" L’Observatoire de la laïcité ne m’a pas consulté avant de faire cette recommandation. C’est évidemment une recommandation que je ne suivrai pas. "
Le ministre se range donc, comme EGALE, aux côtés des défenseurs - que Mme Chambraud qualifie de « partisans » - d’une obligation de neutralité religieuse pendant le SNU.
Le décor est planté ; ce qui est plus subtil et cocasse c’est l’analyse juridique cautionnée par Le Monde.
S’agissant de la saisine de l’Observatoire, il est curieux que, sur une affaire aussi sensible, ce soit un jeune secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, certes chargé du SNU, qui saisisse l’Observatoire de la laïcité, alors même que le directeur des Affaires juridiques au ministère de l’Éducation nationale siège au sein dudit Observatoire.
Quand une affaire est sensible, en général seul le Ministre donne un feu vert pour qu’une consultation officielle soit engagée, ce qui ne fut pas le cas.
Sur ce point l’article du Monde ne fait aucun commentaire. En revanche, il conforte la position de M. Cadène, rapporteur général de l’Observatoire, qui rappelle que cet avis a été pris avec l’accord unanime de l’assemblée plénière de cette institution. Autrement formulé, le quotidien à demi-mot suggère que l’État patauge, mais que l’Observatoire, sur la forme, a pris une décision inattaquable.
La magie du formalisme juridique écarterait de ce fait toute discussion sur la valeur de fond de l’avis de l’Observatoire !
Mais le plus contestable reste l’explication de fond de cette proposition et sa mise en valeur par le journal.
Il relate le questionnement de l’Observatoire : les jeunes pourront-ils arborer dans le cadre du SNU des signes religieux ? Auront-ils la possibilité de pratiquer leur culte pendant ces deux semaines ou encore avoir accès à de la nourriture confessionnelle ?
L’observatoire de la laïcité prétend...
En guise de réponse l’Observatoire prétend : « d’abord parce que les jeunes concernés ne seront pas accueillis en tant qu’élèves, mais en tant que " simples usagers, futurs citoyens ". et d’ajouter : « Si, malgré tout, le SNU était assimilé à une période d’internat scolaire, une autre difficulté surgirait : la loi de 2004 ne s’appliquant pas aux élèves de l’enseignement privé, il serait inenvisageable de faire se côtoyer des jeunes placés sous deux régimes différents.(autrement dit pour les préparer à l’égalité citoyenne devant la loi l’Observatoire préconise de préserver en priorité la diversité de leurs statuts d’élève lors de leur passage en SNU, ce qui se fonde sur un a priori de la convictions religieuse irréversible de mineurs) Pour l’observatoire, il serait cependant possible qu’une nouvelle loi ad hoc encadre le port de signes et tenues religieux lors de ce séjour en internat.(…ce pseudo esprit d’ouverture est très vite douché par la suite du raisonnement ) ; car l’Observatoire note qu’une interdiction générale et permanente pendant deux semaines de signes religieux, par exemple, est impossible, sauf à " méconnaître plusieurs dispositions à valeur constitutionnelle ou conventionnelle " sur la liberté de conscience et de culte. »
A croire que l’Observatoire recommande une démarche communautariste provisoire, à l’anglo-saxonne, qui jusqu’ici n’a jamais inspiré la lettre ou l’esprit de notre Constitution.
Cerise sur le gâteau pour les résolutions concrètes d’alimentation « l’observatoire indique que les internats pourront se contenter d’offrir des repas avec ou sans viande, à condition que les " appelés " puissent se procurer des repas alternatifs conformes aux prescriptions religieuses par un système de cantine ». Autrement exprimé, l’Etat doit se plier à la volonté individuelle religieuse alimentaire des mineurs pris en charge !
Ainsi l’Observatoire de la laïcité avance à grands pas vers l’abandon du principe de laïcité qu’il est censé faire vivre en cautionnant des pratiques qui nourrissent le dysfonctionnement sociétal.
Avec une méthode qui a fait ses preuves - quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage - concluons très provisoirement que Le Monde, se faisant en la circonstance le relai des avis de l’Observatoire de la laïcité, développe une pseudo grande expertise pour atteindre un but précis : détricoter le principe de laïcité.

Bernard Ferrand
Vice Président d’ EGALE