D’abord traitons de la mise en cause personnelle : selon lui, j’incarnerais une ligne dure au sein du Grand Orient de France. C’est une attaque à la fois fausse et douteuse. Une façon de procéder, à laquelle je me suis toujours refusé. En effet, si, dans plusieurs écrits, et notamment dans mon récent livre, La Laïcité, défi du XXIe siècle [1] , j’ai analysé au passage les positions de Philippe Portier, je n’ai jamais fait mention de sa proximité avec les cercles les plus conservateurs de la Curie, je devrais dire réactionnaires, dont sa biographie de Jean-Paul II porte la trace. A-t-il songé qu’en me désignant comme porte-parole du Grand Orient — ce que je ne suis en aucune manière — il participe à sa façon policée à la chasse aux francs-maçons que mènent en ce moment tous les intégrismes, qu’ils soient d’origine catholique ou qu’il soient islamistes ?
Allons plus avant : bien loin d’être un « bouffeur de curé », ainsi qu’il le suggère, je respecte et, d’une certaine façon je suis proche du christianisme social, dont j’ai évoqué la belle et tragique origine en racontant dans un précédent ouvrage [2] le combat en faveur de la « Séparation » que soutint l’abbé de Lamennais.
Un fait récent atteste que telle est ma position : j’ai eu l’honneur de clôturer le 14 novembre dernier à Tours, le colloque du CEDEC (Chrétiens pour une Eglise Dégagée de l’Ecole confessionnelle). Il était intitulé « Citoyen d’abord — Croyant peut-être — Seule garantie la laïcité ». Et pour moi cette formulation représente l’acquis majeur de notre République.
Cette clarification étant faite, venons-en au fond. Ainsi que je le rappelle dans mon dernier livre [3] , le projet de Philippe Portier, comme celui de Jean-Paul Willaime, qu’il cite, c’est le « Retour du religieux dans la sphère publique ». En réalité, il s’agit d’un projet de type concordataire, dont le député du Nord, Gérard Darmanin, proche de Nicolas Sarkozy, s’est fait le porte-parole dans une tribune de Libération, parue le même jour ou presque. Curieuse coïncidence ! J’ai consacré tout un chapitre à analyser le projet concordataire de Nicolas Sarkozy dans mon livre de 2012, et j’avais noté à cette occasion qu’un article de Philippe Portier [4], consacré à la dimension catholique de l’identité nationale, se terminait par un appel Nicolas Sarkozy, alors Président de la République : il lui demandait de mettre un terme à l’ « exception française », pour aligner le régime des cultes sur celui de la plupart des pays européens. On sait, pour l’avoir appris de Napoléon Bonaparte, comment ce recours au Politique pour assurer l’hégémonie d’une religion sur la société se termine : il y a toujours au bout du compte une mise sous tutelle de la religion et de ses fidèles.
Gérard Delfau, Président d’EGALE (Égalité. Laïcité. Europe. Site"egale.eu"), Sénateur honoraire, ancien Maître de conférences à l’Université Paris-VII.
Revue de Presse | La Croix La réponse de Gérard Delfau à Philippe Portier.
La Croix : Phlippe Portier : « une laïcité de surveillance se renforce » L’historien, spécialiste de la laïcité, estime que le récent rapport polémique de l’Association des maires de France est révélateur d’une conception plus intolérante de la laïcité.
Gérard DELFAU :« NON au projet concordataire ! »