La Croix : "Qu’attendez-vous de la 9e Rencontre mondiale des familles et de la visite, le 25 et 26 août, du pape François en Irlande ?"
Le Père Joe MacDonald "sur la chaine de télévison ’The Late Late Show.’ / YouTube/The Late Late Show Père Joe McDonald :"
"Le risque de cette grande rencontre, c’est qu’elle ne reste qu’un simple événement, certes joyeux et agréable… Mais j’aimerais tant que ce soit plus que cela ! Mon rêve est que ce moment puisse être une véritable catharsis. Un moment de grâce. Imaginez si, pendant un poignant instant, rappelant le plaidoyer à genoux de saint Jean-Paul II contre la violence des hommes, le pape François s’agenouillait à son tour pour demander pardon pour toutes les blessures et tous les dommages que nous, en tant qu’Église institutionnelle, avons causé… Est-ce trop espérer ?
J’ai même un rêve encore plus grand. Imaginez que le pape François sonne le glas de la « vieille » Église, qu’il sème tout autour de Phoenix Park (2) des graines d’espoir, des graines pour ériger une nouvelle Église irlandaise ! Si cela se produit, alors la Rencontre mondiale des familles ne sera pas seulement une petite page historique dans la vie irlandaise… Si cela se produit, on s’en rappellera pour toujours comme ce jour où le Vicaire du Christ, prophétique et intrépide, a crié « Stop ! Plus jamais ! » à une Église intrinsèquement gangrenée par les abus.
Comment expliquer la baisse, importante, de la pratique en Irlande ?
P. J. Mc. : Je suis entièrement d’accord avec les récents propos de Mgr Diarmuid Martin, [archevêque de Dublin, NDLR], expliquant combien le catholicisme était aujourd’hui devenu « étranger » aux jeunes Irlandais. Je l’affirmerais peut-être encore avec des mots plus forts ! À mes yeux, il n’y a pas une, mais deux « générations perdues » pour l’Église dans le pays.
En d’autres termes, le catholicisme n’est plus simplement devenu étranger aux jeunes – même si certains d’entre eux ont bien sûr conservé un grand respect pour l’Église –, mais aussi à nombre de leurs parents. Ce sont désormais les grands-parents qui constituent le noyau dur de fidèles en Irlande… Trop souvent, nous sommes une Église qui dit des prières, sans être une Église en prière. Cela est valable pour beaucoup d’entre nous, prêtres et évêques : nous ne sommes alors pas de vrais bergers. Or les jeunes ont un radar intégré pour déceler ce qui est faux, ou simulacre.
Vous allez jusqu’à dire que l’Église a causé sa propre perte…
P. J. McD. : Dans l’ensemble, je pense que nous sommes en effet responsables de notre propre disparition. Oui, j’utilise le mot « mort » et je le fais à bon escient, car nous assistons de fait à une véritable mort de l’Église irlandaise telle que nous la connaissons.
Certains diront que l’Église du Christ ne peut mourir, car elle est Église de vérité… Mais cet argument ne doit pas nous faire nier la réalité. Beaucoup de jeunes nous trouvent ennuyeux dans notre façon de parler, d’enseigner, de célébrer – ou plutôt justement de ne pas célébrer ! Nous ne sommes pas connus pour notre joie, ni pour notre amour, mais pour les règles que l’institution édicte.
Nous avons aussi profondément blessé et aliéné beaucoup de gens, des personnes LGBT, des divorcés remariés, d’anciens religieux… Les jeunes nous trouvent étroits, critiques et sévères, alors qu’ils sont souvent ouverts, empathiques et en général plus tolérants. Peut-être notre plus grand échec reste-t-il finalement de ne pas réussir à transmettre l’excitation et la joie d’entrer dans une relation personnelle profonde avec Jésus… Oui, l’Église irlandaise vit le mystère pascal, mais le peuple irlandais est un peuple de foi. Et notre foi reste une foi vivante.
Comment renouer avec ceux qui se sont éloignés de l’Église ?
P. Joe McDonald : Avec la grâce de Dieu et une réelle volonté, nous pourrions renouer avec ces jeunes en nous renouvelant et en nous réformant, en amorçant un retour aux racines du concile Vatican II. En pratique, il faudrait aussi que l’Église se repente profondément et fasse pénitence pour tous les abus commis en son sein.
Enfin, j’aimerais que l’Église propose une nouvelle vision, accordant davantage de place aux laïcs, donnant des responsabilités aux femmes, agissant contre l’homophobie, le carriérisme et le cléricalisme, pour ne citer que quelques-unes de nos tares ! Cela introduirait dans l’institution une transparence nouvelle, fondée sur l’Évangile. La nouvelle autorité ecclésiale deviendrait ainsi une autorité en rupture avec ce qu’elle a toujours connu jusque-là…"
(1) Why the Irish Church deserves to die.
(2) Parc dublinois où François célébrera dimanche une grande messe.