Redes Cristianas mise avec détermination sur l’indépendance et le respect mutuel de l’État et des confessions religieuses et sur leur collaboration, et plaide pour un État laïque, qui dépasse l’actuel confessionalisme caché, et pour une Église inspirée uniquement par l’Évangile et non soumise à une quelconque tutelle de l’État.
Conscient du fait que les relations actuelles Église / État en Espagne, sur la base des accords de 1979, ont été le principal obstacle à leur séparation et génèrent un grand malaise dans de larges secteurs, qu’ils soient catholiques ou non, Redes Cristianas déclare publiquement soutenir la laïcité et invite toutes les personnes et tous les groupes qui se sentent motivés par cet objectif démocratique à collaborer activement à la construction d’un État laïque.
La laïcité permet l’évolution progressive de la société vers une culture du pluralisme et du droit à la différence en créant le vivre ensemble dans des espaces de liberté qui rendent possible le dialogue entre les différentes options philosophiques et croyances religieuses. Le développement progressif de la laïcité doit être considéré comme un élément inhérent à la démocratie, au point d’affirmer que, sans la laïcité, la démocratie demeure incomplète. Et, étant donné que le seul garant de cet espace commun et public est l’État, la laïcité implique nécessairement l’autonomie pleine et entière de cet État vis-à-vis de tout magistère religieux ou de toute conception philosophique universelle qui cherche à s’imposer comme l’unique vérité. Raison pour laquelle, en toute conscience,
1- Nous dénonçons les accords de 1979 de l’État espagnol avec le Saint-Siège, issus du Concordat de 1953, et nous demandons leur abrogation, parce que, nés dans le contexte pré-constitutionnel du privilège confessionnel catholique, ils affectent aujourd’hui une société religieusement pluraliste et largement sécularisée, et ils provoquent dans ce domaine bon nombre de conflits qui affectent le vivre ensemble citoyen. En conséquence, nous exigeons que les organismes qui dépendent de l’Église catholique et d’autres confessions religieuses se réfèrent à la législation qui règlemente la vie associative dans l’État espagnol.
2- Nous misons sur une laïcité pleine et entière qui reconnaisse l’autonomie des domaines politique et public vis-à-vis des options religieuses et philosophiques, et qui s’achemine vers la séparation effective et définitive de l’Église et de l’État, en reconnaissant à tou-te-s les citoyen-ne-s l’égalité des droits et des devoirs, sans privilèges ni avantages, et en leur garantissant l’usage des libertés fondamentales.
Pour atteindre cet objectif, il importe de modifier le cadre législatif actuel, au moins sur les points suivants : la réforme de la Constitution pour résoudre la formulation contradictoire des articles 16 et 27 ; une nouvelle loi de liberté de conscience qui protège et garantisse la liberté de pensée et de conscience sans aucun privilège ; enfin de faire évoluer avec effet rétroactif l’application de la modification en 2012 de l’article 206 de la loi hypothécaire en abrogeant le droit pour les évêques de déclarer comme biens d’Église des propriétés immobilières qui n’étaient pas enregistrées comme telles auparavant.
3- Nous plaidons pour un « pacte laïque » entre les confessions religieuses et l’État, qui comprenne un « statut de la laïcité » dans lequel soit garantie la neutralité idéologique des administrations publiques. Cela implique, entre autres choses, l’élimination de toute référence symbolique religieuse dans les actes officiels, et dans les lieux et bâtiments publics ; et toute présence officielle des autorités publiques ou militaires dans les manifestations religieuses. Ladite neutralité idéologique des administrations d’État implique également la disparition de toute reconnaissance, distinction ou désignation publiques accordées à des images pieuses ou à des saints-patrons, la suppression des chapelles dans tout lieu dépendant des services de l’État, qu’il s’agisse d’écoles, de centres sanitaires, d’établissements pénitentiaires, de tribunaux, de casernes, d’ambassades, etc. Et, par conséquent, la disparition des « aumôniers catholiques d’État. »
4- Nous défendons « la laïcité à l’école » et nous misons sur une éducation qui ait comme principaux objectifs la formation intégrale de la personne, l’initiation à la notion de genre, la socialisation et la formation en matière de Droits humains, sans prosélytisme ni endoctrinement. Le système éducatif doit s’articuler sur les principes d’égalité, de liberté et de formation critique pour tous.
Nous reconnaissons et valorisons le pluralisme religieux et culturel existant, et, par conséquent, nous dénonçons la présence actuelle de la religion catholique dans le système éducatif, parce que nous croyons que la religion doit être transmise par les institutions et les médias privés, et non à l’école publique, qui doit être laïque.
5- Nous dénonçons l’actuel système de financement de l’Église catholique par l’État espagnol et nous exigeons des mesures urgentes qui impliquent des progrès décisifs dans le processus d’autofinancement de l’Église catholique, un objectif que les évêques eux-mêmes avaient fait leur en signant l’Accord sur les questions économiques en 1979. Une première étape, immédiatement applicable, devrait être la suppression de la rubrique « contribution à l’Église catholique » dans la déclaration d’impôt sur le revenu des personnes physiques.
6- Nous en appelons à l’autonomie de l’éthique citoyenne, face à la morale religieuse. Quelles que soient les exigences morales que l’Évangile représente pour nous en tant que chrétiens, nous affirmons notre ferme conviction que, dans une société plurielle et sécularisée, les codes moraux applicables à la citoyenneté doivent être fondés sur les principes de l’éthique citoyenne commune, dérivés de valeurs fondamentales telles que l’affirmation de la vie, la liberté, la justice, l’authenticité, le pluralisme, l’égalité et la paix. Ces impératifs éthiques n’appellent pas de légitimation ou de correction de la part d’une morale religieuse qui, en effet, n’est pas partagée par tous les citoyens. Par conséquent, nous dénonçons toute pression de la hiérarchie catholique pour imposer sa morale à l’éthique citoyenne universelle. Dans une société laïque, l’éthique doit être la construction et le patrimoine de tous et de toutes, sans exception.
En même temps, nous exigeons que les confessions religieuses, et en particulier l’Église catholique, révisent leur code moral et leur organisation antidémocratique pour surmonter les traces d’un cléricalisme toujours en vigueur, telles, par-dessus tout, les innombrables discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et le sexe dont souffrent encore beaucoup de leurs membres.
7- Nous exigeons de la part des médias la neutralité la plus grande et le respect de toutes les croyances religieuses et convictions éthiques et philosophiques de l’ensemble des citoyens. Par conséquent, nous dénonçons l’intolérable ligne éditoriale que la Conférence épiscopale espagnole impose aux organes de communication qui sont sous son contrôle et qui défendent à outrance des positions idéologiques, politiques et morales réactionnaires, au service des puissants de la société, et tout à fait contraires aux priorités évangéliques. De même, nous exigeons du gouvernement une position plus ferme qui garantisse le respect des droits de tous les citoyens, ainsi que leur égalité de traitement pour éviter des abus dans l’exercice de la liberté d’expression.
En tenant compte du fait qu’en Espagne la transition religieuse vers la démocratie est toujours en cours, les groupes chrétiens regroupés dans Redes Cristianas, exhortent l’actuel gouvernement et les hiérarchies des confessions religieuses, en particulier celles de l’Église catholique, à la mener à bien de manière responsable et à mettre en œuvre l’ esprit de la Constitution, qui, dans l’Art.16 paragraphe 3, fait le pari d’un État laïc en affirmant « [qu’]aucune religion n’aura un caractère étatique ».
Redes Cristianas, Juin 2017