Françoise Laborde, sénatrice de Haute-Garonne, membre du Parti radical de gauche, et présidente d’EGALE, vient de parachever le combat en faveur de la neutralité religieuse en entreprise, combat qu’elle avait amorcé au moment de l’affaire Baby Loup.
En effet, le Parlement vient d’adopter définitivement son amendement donnant aux entreprises privées le droit d’inscrire « le principe de neutralité » religieuse dans leur règlement intérieur. Le texte, qu’elle avait fait voter à une très large majorité, au Sénat, le 14 juin 2016, a désormais force de loi. Il répond à une demande ancienne faite par les grandes associations laïques. [1]
. Et c’est une avancée significative dans la réaffirmation de la dignité et de l’égalité en droits des femmes face à la pression qu’exerce une conception obscurantiste de l’islam.
C’est aussi le rappel de la primauté de la liberté de conscience de tous les citoyens, croyants et non-croyants. Cette clause de la loi Travail ne porte pas atteinte à la liberté de religion, qui est une composante de la liberté de conscience, et elle ne remet pas en cause la liberté de culte, protégée par l’Article premier de la loi de 1905.
Par cette décision, la France se place, une fois de plus au premier rang de la lutte en faveur de la laïcité. Observons toutefois que l’affirmation de ce nouveau principe se fait avec prudence. En effet, son application est soumise à deux types de conditions : elle n’est qu’une option, laissée au choix du chef d’entreprise et/ou du comité d’entreprise, qui ont la faculté d’inscrire ou non cette clause dans le règlement intérieur. Par ailleurs, la formulation même du texte de loi adopté (Article 2) témoigne des précautions prises par le législateur, afin de ne pas porter atteinte aux libertés individuelles : « Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. ». En cas de litige le juge statuera, mais sur la base d’un vote du Parlement.
Cette décision fait débat, ainsi qu’on le verra dans le dossier que nous vous présentons. Et c’est normal, compte tenu qu’il s’agissait de trancher une question pendante depuis plus de 10 ans, et qui a donné lieu à de nombreuses procédures judiciaires. Mais très vite les critiques faibliront et la situation se clarifiera. Nous faisons le pari que, comme pour la loi de 2004, les contentieux concernant le prosélytisme religieux en entreprise iront en s’atténuant, au fur et à mesure qu’une jurisprudence s’établira. Ajoutons qu’il est bon que la gauche donne ce signal de fermeté, au moment où l’opinion publique est sous le choc des attentats et des crimes inspirés par l’islam radical. Gouverner en ces temps troublés exige de rassurer les citoyens inquiets devant la montée des intégrismes. Ne pas répondre à cette attente, ce serait faire le lit des extrémismes.
Gérard Delfau
Paris, le 20/07/2016 Une nouvelle fois, l’Observatoire de la laïcité se trompe gravement ! En demandant le retrait de l’article 1bis A du projet de loi " travail" actuellement en troisième lecture au parlement, l’Observatoire de la Laïcité se trompe gravement : Il se trompe sur la forme et sa mission Il se trompe en droit Il se trompe sur la nature des problèmes qui se posent à la société française. Il se trompe sur la forme et, en particulier, sur sa mission : le décret qui a créé l’Observatoire et qui définit ses missions ne l’autorise en rien à s’immiscer dans un processus législatif, au beau milieu de celui-ci et de faire ainsi injonction aux élus du peuple. Faut-il lui rappeler que les travaux du Parlement ne sont contraints que par les règlements de nos deux assemblées et, a posteriori, que par les décisions du juge constitutionnel ? Les " juristes " de l’Observatoire feraient bien de respecter le droit. Il se trompe en droit quand il parle de l’insécurité juridique qu’induirait cet article, introduit à la demande de nombreux laïcs, et qui prévoit que le principe de neutralité de l’entreprise peut être inscrit dans son règlement intérieur. Car cette insécurité, elle existait et c’est celle qu’a subie la directrice de la crèche Baby Loup pendant des années sans que ne s’en émeuvent jamais les responsables de l’Observatoire. L’insécurité, c’est celle de l’entreprise Paprec qui a fait adopter une charte de la Laïcité par accord d’entreprise qui pouvait être cassé à tout moment par un tribunal faute de fondement juridique. Les responsables de l’Observatoire en sont-ils restés à une conception archaïque de l’entreprise qui ne serait qu’une juxtaposition d’individus dont il faudrait protéger les libertés individuelles, sans voir qu’elle est souvent devenue une communauté de destin où l’on peut élaborer des projets communs, construire du " commun" ? Il se trompe encore plus gravement sur la nature des problèmes qui se posent à la société française et que la tragique série d’attentats qui la frappe rendent encore plus sensibles : plus que jamais, les Républicains, les vrais, doivent distinguer les religions et le libre exercice de leurs cultes que la République doit protéger, et les intégrismes, les fanatismes religieux que la République doit combattre sans faille, avec fermeté et détermination. C’est cela la laïcité, un équilibre entre droits et devoirs. Et l’obsession de la garantie de la liberté ne doit pas entraîner la faiblesse dans la lutte contre les intégrismes. C’est une question centrale sur laquelle l’Observatoire continue, hélas, de se tromper gravement. Jean GLAVANY – Patrick KESSEL – Françoise LABORDE Membres de l’Observatoire de la Laïcité |