Prises de position

COLOGNE : Lieu de fantasme. Kamel Daoud : la liberté de pensée aux prises avec une poignée de Sorbonicoles

, par Gérard DELFAU

Ils se sont mis à une vingtaine d’universitaires, affichant leurs titres, pour accabler l’écrivain Kamel Daoud de leur arrogance et de leur mépris. Pensez donc : lui qui vit en Algérie, lui qui est sous la menace d’’une fatwa d’assassinat, il prétend connaître mieux que nous, Français, ce qu’est la nature de l’islam en matière de rapport à la sexualité ou s’agissant de la condition féminine. Leur sentence, celle de modernes Sorbonicoles, tombe.

Elle est sans appel : Nuit de Cologne : « Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés ». Eux savent : ils sont ethnologues, anthropologues, sociologues, historiens. Ils enseignent, eux ! Vraiment, n’ont-ils pas conscience du ridicule de leur attitude ? Et surtout du danger qu’elle comporte, comme toute tentative de police de la pensée ? Ainsi nous n’aurions pas le droit d’analyser le machisme et le sexisme ambiant des pays du Proche-Orient, sous influence de la charia, de même que nous ne devrions pas évoquer la misère sexuelle engendrée par le célibat des prêtres pour expliquer les scandales de pédophilie qui secouent à intervalles réguliers l’Église catholique. Eh bien, non ! Nous sommes les héritiers de Rabelais, de Montaigne, de Diderot et de Voltaire. Et quand un nouvel obscurantisme menace notre indépendance intellectuelle, quand pointe une régression de la condition des femmes et des minorités sexuelles, sous prétexte de religion, nous revendiquons le droit de protester, d’argumenter, de dénoncer, sans nous faire traiter de « racistes » par quelques belles âmes, « compagnons de route » des islamistes. Mais là n’est pas le plus important.

Ce qui compte, à vrai dire, c’est la profondeur de la tribune de kamel Daoud ; c’est la subtilité de cette analyse de l’islamisme, comme révélateur de l’instinct de mort, au travers de la négation de la femme ; c’est le lien établi entre les attentats –suicides et le refus du corps de la femme perçu comme potentiellement dangereux pour la virilité. Là se trouve l’idée neuve, l’élément subversif. Évidemment, pour saisir cette thématique, il faut lire lentement, posément, un texte très dense, et qui suggère tout autant qu’il explicite. On ne peut pas demander cela à des universitaires pressés, et si sûrs d’eux. C’est pourtant ce qu’il faut faire ; et c’est pourquoi j’ai choisi de reprendre intégralement le texte de Kamel Daoud, pour inaugurer la rubrique Prises de position du nouveau site.

Gérard Delfau
27-02-2016


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